Dans leur agence madrilène récemment inaugurée, les fondateurs de Maximale Studio respectent les principes d’une tendance reposant sur la qualité de l’expérience architecturale.
Nouveau minimalisme : retour à l’essentiel
Ennuyeux, impersonnel, facile, fade... Heureusement, il y a longtemps que l’on a cessé d’associer de tels adjectifs – et d’imaginer des pièces purement blanches et vides – lorsqu’on parle de minimalisme. Désirée par beaucoup, méprisée par d’autres, cette tendance, qui se définit dans son essence la plus pure par opposition à l’excès (d’objets, de formes, de couleurs…), s’est imposée dans l’imaginaire collectif depuis des années. Cependant, depuis son apparition au début des années 1960, le minimalisme a évolué vers une version plus raffinée et permissive. « Chaque personne comprend différemment le même scénario, de sorte que nos besoins en termes d’esthétique et d’environnement varient d’une personne à l’autre », explique le psychologue Daniel Orozco. Ainsi, ce qui pour certains est un espace chaotique ou visuellement dérangeant, est pour d’autres une source de stimuli plus que bienvenue. Mais bien qu’il s’agisse d’un domaine subjectif, des études – « basées sur des réponses majoritaires », précise Daniel Orozco – montrent qu’une atmosphère sans surcharge favorise la détente de l’esprit.
« Lorsqu'on entre dans un espace structuré, on reçoit des informations qui influencent et modifient notre système nerveux, nos émotions, notre comportement et nos performances intellectuelles. Ces éléments, ajoutés à de nombreux autres facteurs, réduisent les niveaux de cortisol, l’hormone associée au stress, et augmentent l’ocytocine et la sérotonine, deux des hormones du bonheur », explique Rita Gasalla, présidente de l’Observatorio de Arquitectura Saludable (« Observatoire de l’architecture saine ») et directrice générale de l’agence Galöw. Il n’est donc pas surprenant qu’avec le rythme de vie et de consommation actuel, le nouveau minimalisme soit considéré comme la tendance décorative par excellence pour générer la paix et l’harmonie.
Le nouveau minimalisme expliqué par les experts
Pablo Delgado et Cristina Garau, architectes et fondateurs de Maximale Studio, privilégient une palette chromatique calme, peu d’éléments décoratifs et des pièces de design ad hoc lors de la réalisation de leurs projets. Le duo est clair : aujourd’hui, parler de cette tendance, c’est parler de priorités. « On peut être maximaliste dans le concept et représenter ces idées d’une manière plus minimaliste, assurent-ils. On aime repenser chaque décision afin de ne pas gaspiller les ressources et d’obtenir les effets que nous recherchons. »
Dans leur agence récemment inaugurée dans la capitale espagnole, ils ont suivi à la lettre leurs propres maximes : « Avant de commencer les travaux dans les locaux, on s’est demandé de quoi on avait besoin pour être à l’aise et bien travailler. Un espace pour les présentations, un autre pour les tâches quotidiennes et un autre pour la détente. C’est dans cette optique qu’on a conçu chaque coin et chaque objet, en laissant de côté les éléments décoratifs qui nous semblaient superflus. » Ainsi, ce duo créatif élimine les complexes jusqu’alors associés à l’aspect le plus ancien de cette tendance, en se débarrassant de toutes ses limites. « Il ne s’agit pas tant d’enlever que de ne pas trop en ajouter, affirment-ils, de s’arrêter pour voir ce qui va nous rendre heureux et de ne pas encombrer l’espace d’éléments qui ne vont pas vraiment le définir. »
1. Durabilité esthétique
« Il y a quelques années, un journaliste a demandé à l’architecte John Pawson comment il pouvait vivre dans une maison aussi vide, ce à quoi il a répondu : “Pour moi, ce n’est pas minimaliste, puisqu’il y a tout ce dont j’ai besoin.” Je me dis la même chose quand j’entre dans notre agence. Je ne vois pas de valeur qui ne soit pas déjà ajoutée », explique Cristina Garau. Pour Maximale, l’acquisition ou l’accumulation d’objets qui n’ont pas de fonction quotidienne – qu’elles soient utilitaires ou véritablement esthétiques – ne font qu’alimenter un cycle de consommation inutile. La concision est l’âme de l’esprit, disait Shakespeare.
2. Minimiser le bruit visuel
« Beaucoup de gens achètent des séries d’objets, des produits de la même couleur ou avec des détails similaires. Mais ce n’est pas nécessaire. On peut avoir une table et une chaise fabriquées à 60 ans d’intervalle et parfaitement assorties. L’important est, d’une part, de s’assurer qu’il s’agit de matériaux de qualité et, d’autre part, que les proportions et le design sont corrects », conseille Cristina Garau. Pour sa part, Pablo Delgado opte pour du mobilier fabriqué sur place : « C’est une approche plus architecturale, mais qui permet d’anticiper l’avenir et de minimiser le bruit visuel. Ce genre de détails vous donne envie de revenir à un endroit donné lorsque vous le quittez sans trop savoir pourquoi. Ils laissent une trace qui reste à jamais gravée dans votre mémoire. »
3. La couleur est la bienvenue
Si, pour l’instant, l’essentiel de leurs projets est empreint d’une imperturbable sérénité, les architectes n’hésitent pas à évoquer les possibilités infinies de la couleur : « On peut parfaitement l’introduire, mais de manière consciente. C’est une erreur de se contenter de petits coups de pinceau pour ne pas en faire trop. Si vous l’utilisez, faites-le bien. Si vous voulez qu’un espace soit rouge, faites-le rouge, mais planifiez-le, étudiez-le et mettez-le en valeur. »
4. Art et décoration : comment faire ?
« Il y a une part fondamentale de connaissance de soi. On est comme ça, on aime que les choses soient assemblées, qu’il y ait un discours derrière et que ce qui nous entoure ne soit pas un amalgame de pièces vides de sens », commence Pablo Delgado. « Notre façon de consommer est la même dans tous les domaines, on préfère avoir moins d’objets mais de meilleure qualité, et cela se traduit aussi dans notre façon de concevoir et d’appréhender les espaces », ajoute Cristina Grau. Parmi les quelques pièces qui complètent leur agence, on est frappé par une sculpture placée devant la vitrine de l’entrée. « C’est la seule qu’on ait, et bien qu’elle soit de la même couleur que le reste des objets, si elle avait été jaune, on l’aurait aimée aussi, parce qu’elle est spéciale. C’est le meilleur conseil que je puisse donner à quelqu’un. Si vous voulez introduire un élément par pur plaisir esthétique, il faut qu’il ait une signification pour vous. »
5. Oui, les tendances ont leur place
Ces dernières années, on a pu constater que l’utilisation de rideaux pour séparer les pièces ou l’insertion d’éléments métalliques pour apporter de la fraîcheur sont devenues de véritables tendances. Maximale soutient ces décisions à condition qu’elles aient un arrière-plan : « Dans notre agence, par exemple, nous cachons certains objets ou zones que nous ne voulons pas voir à l’œil nu avec des textiles. C’est une technique qui fonctionne très bien et qui apporte beaucoup de chaleur, mais parce qu’elle a du sens dans ce contexte. Ce n’est pas une stratégie universelle, elle ne peut pas s’appliquer partout. En fait, elle peut même vous jouer des tours », assurent les architectes à l’unisson.
Article initialement publié dans AD Espagne.
Par Marina P. Asins
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